Depuis une décision de 2008, le juge judiciaire a resserré son contrôle en cas de successionde CDD d’usage . Il doit vérifier le caractère temporaire de l’emploi concerné.
Par un arrêt du 26 mai 2010, la Cour de cassation rappelle que ce caractère temporaire relève de l’appréciation souveraine des juges du fond qui ne sont absolument pas liés par les termes d’un accord collectif qui fixerait la liste des emplois présentant un tel caractère. Les entreprises ne peuvent donc pas se retrancher derrière de telles stipulations conventionnelles pour faire obstacle à une action en requalification du contrat en CDI.
Contrôle judiciaire du recours au CDD d’usage
Trois conditions doivent être remplies pour recourir au CDD d’usage (C. trav., art. L. 1242-2) :
– l’entreprise doit appartenir à l’un des secteurs d’activité définis par décret (C. trav., art. D. 1242-1) ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu. C’est l’activité principale de l’entreprise et non la fonction du salarié qui doit relever de ces secteurs d’activité (Cass. soc., 27 septembre 2006, n° 04-47.663) ;
– il existe un usage constant de ne pas recourir au CDI dans ce secteur ;
– l’emploi occupé présente un caractère par nature temporaire . Le CDD ne peut pas être utilisé pour pourvoir tous les emplois relevant du secteur d’activité visé : seuls les emplois de nature temporaire justifient le recours au CDD d’usage.
Cette dernière condition a donné lieu à un important contentieux, et la Cour de cassation a décidé, en 2003, de supprimer le contrôle portant sur celle-ci. Le juge n’est plus appelé qu’à vérifier l’existence d’un usage constant de ne pas recourir, pour l’emploi en question, au CDI (Cass. soc., 26 novembre 2003, n° 01-42.977, Juris. Actua. n° 853) . Il doit en revanche opérer ce contrôle dans l’hypothèse très fréquente d’une succession de CDD d’usage . Il s’assure alors que « le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi » (Cass. soc., 23 janvier 2008, n° 06-43.040, Juris. Théma. -CT, CDD- n° 26/2008 du 1er février 2008) .
Emploi temporaire selon la CC
Dans la présente affaire, un salarié avait été employé en qualité -d’assistant-réalisateur puis de réalisateur de bandes-annonces par des CDD d’usage successifs couvrant la période du 27 janvier 1995 au 29 septembre 2003. La cour d’appel de Versailles a prononcé la requalification de la relation de travail en CDI , estimant que le caractère temporaire de l’emploi n’était pas établi. L’employeur brandit alors l’accord interbranches du 12 octobre 1998 concernant le secteur du spectacle et son protocole d’accord du 3 mai 1999, négociés et signés par les syndicats représentatifs du secteur de l’audiovisuel , et définissant les emplois qui présentent un caractère par nature temporaire et ceux qui ne remplissent pas cette condition.
Éléments concrets établissant le caractère temporaire de l’emploi
La Cour de cassation rejette son pourvoi et confirme l’arrêt d’appel. Elle rappelle l’office du juge en la matière : « L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en œuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de CDD successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de CDD successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi ». Les Hauts magistrats en concluent que les juges du fond , usant de leur pouvoir souverain d’appréciation , ont valablement estimé que l’existence d’éléments objectifs établissant le caractère par nature temporaire des emplois -re-latifs à la réalisation de bandes-annonces successivement occupés par le salarié, n’était pas établie.
Les stipulations d’une convention collective ne suffisent donc pas à justifier une succession de CDD d’usage. L’employeur doit pouvoir fournir des éléments concrets. Cette décision n’est pas sans rappeler l’affaire des « contrats d’extra » du secteur de l’hôtellerie , jugée en 2008. La Cour de cassation avait également décidé que l’article 14 de la CCN des HCR, qui les qualifient d’emplois temporaires par nature, ne justifie pas l’enchaînement de CDD d’usage pour tout poste et en toutes circonstances (Cass. soc., 24 septembre 2008, n° 06-43.529 FS-PBR, v. Bref social n° 15214 du 8 octobre 2008) . La Cour de cassation maintient le cap dans sa décision du 26 mai et n’entend pas permettre aux partenaires sociaux de restreindre le champ de son contrôle.
Cass. soc., 26 mai 2010, n° 08-43.050 F-P
Sources: Liaisons sociales
Les commentaires récents